Una de Romanos
Joaquín Sabina
Une de Romains
T'as vu un cycle à la télé de films sous Franco
Moi, je suis ce gamin qui a grandi dans la file des manchots
Si un doigt caressait une cuisse, un cou, un soutien-gorge
La redoutable lampe du placeur hurlait comme un porc
Elle avait quatorze printemps sur le canal
Sur les genoux, un rebecca pour faire discret
Ce goût de chocolat, de peau, de salive et de sueur
La chair de poule me prend au cœur, c'est sûr
À l'écran, Dalila rasait les cheveux de Samson
Et au dernier rang du ciné, en chaussettes, on a appris toi et moi
Des jeux de mains, à l'ombre d'un ciné d'été
Des jeux de mains, on se faisait toujours une de romains
C'était essentiel d'organiser bien le plan
Pour entrer dans la semi-obscurité blanche et noire du No-do
Et pendant qu'un lion se régalait d'un chrétien au cirque
La gamine se laissait embrasser, que son frère ne la chope pas
Si on projetait Cléopâtre et qu'ils demandaient la carte
J'arrivais en cravate et avec une pommade pour l'acné
Jusqu'à ce que ce vélo de mon enfance perde ses freins
Et dans le film qu'ils ont passé après, les gentils ne gagnaient jamais
Et pendant qu'à l'écran, Néron mettait le feu à Rome
Contre la dernière barrière du ciné, en chaussettes, on a appris toi et moi
Aujourd'hui, tout le monde regarde des vidéos porno américains
Pour te voir, je me loue une de romains.