La Gayola
Carlos Gardel
La Gayola
Ne t'effraie pas, ne fuis pas
Je ne suis pas là pour me venger
Si demain, justement
Je m'en vais pour ne pas revenir
Je suis venu pour dire adieu
Et me faire plaisir
À te regarder en face
Et dans tes yeux me faire sonner
Silencieusement, longuement
Comme tu me regardais hier
Je suis venu pour qu'ensemble
Nous nous souvenions du passé
Comme deux bons amis
Qui ne se sont pas vus depuis longtemps
Me rappeler de ce temps
Où j'étais un homme honnête
Et l'affection de ma mère
Était un poncho que j'avais mis
Sur mon âme noble et bonne
Contre le froid du mépris
Une nuit, la faucheuse
A habillé mon âme de deuil
À ma bonne maman
Dieu l'a appelée à ses côtés
Et dans mes rêves, il semblait
Que la pauvre, depuis le ciel
Me disait que tu étais bonne
Que je devais toujours te faire confiance
Mais tu m'as joué un sale tour
Et, assoiffé de vengeance
Mon couteau, dans un mauvais moment
Je l'ai enfoncé dans un cœur
Et plus tard, déjà serein
Morte ma seule espérance
Des larmes rebelles
Je les ai séchées dans un bar
On m'a enfermé pendant des années
Dans la sordide gayola
Et un après-midi, on m'a relâché
Pour mon bien ou pour mon mal
J'ai erré dans les rues
Et j'ai roulé comme une boule
Pour manger un plat de soupe
Combien de fois j'ai fait la queue !
Les aurores m'ont trouvé
À traîner sur un seuil
Aujourd'hui, il ne me reste plus rien
Pas un refuge, je suis si pauvre
Je suis juste venu te voir
Pour te laisser mon pardon
Je te le jure, je suis content
Que le bonheur soit avec toi
Je vais au champ pour travailler
Pour rassembler quelques sous
Pour que je n'aie pas de fleurs
Quand je serai dans le cercueil