Puente

Havane
Toujours à mi-chemin
Si espagnole à moitié, si africaine à moitié
Les vagues savent bien qu'à chaque fenêtre il y a toujours un témoin
Havane
Jurent ceux qui savent qu'ils ne savent rien pour comprendre ce que tu es.

Havane
Si près et si loin comme ces miroirs qui ne reflètent rien
Certains au blocus, d'autres à un traîneau qui n'a jamais vu la neige
Havane
Dieu ni les six cents saints n'ont pu comprendre ce que tu es.

Pendant que la Floride, comme cette tante partie ailleurs,
Se met à te manquer dans la Hialeah des coïncidences
Et moi qui ne touche pas à ce enterrement, je meurs de chagrin
De ne pas faire comme un magicien et construire un pont de quatre-vingts kilomètres
Pour que les cousins courent s'enlacer comme ils le méritent
Et que l'idéologie ne s'en mêle plus de ce qui ne la regarde pas
Car l'histoire est longue, et la vie est courte.

Il y a un cubain à La Havane, vendant des cigares interdits
Il a tant de rêves endormis restés dans son lit
Un cubain à La Havane, inventeur de futurs
Bloqué à l'américaine, à l'ennemi cyanure
Un cubain à La Havane
Un cubain à La Havane
Qui n'est coupable de rien.

Il y a un cubain à Miami, rancœurs par tradition
South Beach est sa crique, l'Océan son front de mer
Un cubain à Miami, troisième génération
Te parle de "asere" et "consorte" avec la même chanson
Un cubain à Miami
Un cubain à Miami
Qui n'est coupable de rien.

Qu'ils se dessèchent les pieds ceux qui poursuivent la Floride
que d'autres se lavent les mains avec du savon diplomatique
Ni le blocus est un remède ni s'accrocher est la mesure
Quand l'orgueil commande, le malheur règne toujours.

Pont
Il faudrait faire un pont
Pour unir tant de gens
En plein conflit, tant de vies ont vécu et vivent
Des gens.

Pont
Il faudrait faire un pont
Pour unir tant de gens
Peut-être que la diplomatie n'a pas su construire un pont.

Le temps use le sablier à tant attendre.

Allons faire un pont, un pont frère
Unissons-nous tous avec ce rythme
Là-bas à Pinar del Río, on plante au soleil
Du tabac contre le froid, de la salsa avec du baseball.

Allons faire un pont, un pont frère
Unissons-nous tous avec ce rythme
Que le blocus trouve facile, un yuppie au bureau
Dimanches à plonger, goûter au bord de la piscine.

Allons faire un pont, un pont frère
Unissons-nous tous avec ce rythme
Les rideaux sont tombés, la guerre froide est morte
Le Kremlin est en ruines, qui veut encore des épines ?

Allons faire un pont, un pont frère
Unissons-nous tous avec ce rythme
Guaracha à la cubaine avec Celia et les Van Van
Il y a des traces de La Havane à Londres ou à Milan.

Il y a des bruits de La Havane
Dans toute la ville
Coral Gables, Hialeah
Calle 8, Lincoln Road
Cubains qui en cachette
Manquent l'autre rive
Baracoa, Santiago, Pinar del Río
Camagüey, Matanzas, Varadero
Et là dans la vieille Havane
Vedado Miramar
Il y a des traces de nostalgie
Pour quelqu'un qui est parti.

Cubains du monde avec un accent syncopé
À Rome ou à Budapest
Jouant des sons du passé
À D.F. ou Key West
La clé, le swing
Les courbes de femme.

Personne ne gagne la bataille
Tout le monde perd, c'est comme ça
La politique est loin de Juan
Maria, Luis, Humberto, Lupe
Peu importe où ils vivent
Que ce soit ici ou là-bas, de l'autre côté
Ils vivent, ils ressentent
Les mesures sont pour les gens
Pas pour des murs de béton
L'histoire est un suicidaire
Qui revient des années après.

Ici il n'y a pas de camps, juste des frères
Si on veut bien me croire
Je dirai que je n'ai pas compris
Déjà m'a dit cet ami
En marchant le long du malecón
Je ne fais pas d'ennemi
Et cela fait longtemps que j'ai capitulé.

Allons faire un pont
Allons faire un pont
Allons faire un pont
Que toutes les mains se joignent
Et que le temps guérisse les blessures
Que le ressentiment ne peut pas.

Allons faire un pont
Allons faire un pont
Pour unir tant de gens.

Allons faire un pont
Allons faire un pont

Allons faire un pont
Allons faire un pont.