El Remate
Argentino Luna
Le Remate
Il manque de l'air, et il y a trop de mouches ce dimanche de janvier
Le soleil fait frémir, la cigale dort, un gros oiseau bleu
Quelques poules avec des maladies ont le bec ouvert
Près des flaques d'ombre, des gamines sont en train de boire
Sur les chemins brûlants, la sieste traîne lentement
Des yeux bleus de chardon regardent de loin
Et apparaissent par les gouttières, des yeux bleus de ciel
Tout est doux de tant de pauvreté
Devant la cabane en bois
Qui a les quatre coins effilochés par le temps
Un enchérisseur met aux enchères les affaires d'un vieux créole
Il y a beaucoup d'intéressés, ce sont tous des voisins
Des gars qui, il n'y a pas si longtemps, l'appelaient le grand-père
Adossé à la barrière, le vieux les regarde tristement
Ils sont venus acheter pas cher des choses qui n'ont pas de prix
Et il pense avec amertume, le temps ne donne plus de créoles
Combien valent ces éperons !
Et les rondelles de fer sont comme deux grosses larmes
Qui pleureraient pour leur propriétaire
Avec elles, il est sorti pour gagner il y a déjà de nombreux hivers
La fiancée sur un cheval blanc, la vie sur un cheval noir
Les jeunes augmentent l'enchère, je donne 10, 15, 20 pesos !
Ils disputent comme des vautours le cœur du grand-père
En les entendant, le ciel devient rouge de honte
Elles sont à lui, les nazaréennes !, dit un enchérisseur
Ils lui ont vendu les pleureuses, aujourd'hui, hélas, si tôt
Que dans la barrière, la vie a attaché son cheval le plus noir
Et il pense avec amertume, le temps ne donne plus de créoles
Ils mettent en vente un poncho, où les franges sont mouillées
Pour faire pleurer celui qui le porte
Il a la bouche raccommodée, et le temps l'a tant usé
Qu'à la lumière du calamaco, on voit l'histoire du propriétaire
Des cornes, des couteaux et des facons l'ont criblé de trous
Mais sa philosophie lui a toujours mis un patch
De jour avec un bleu, de nuit avec une étoile
Je paie pour ce vêtement tout l'argent que j'ai !
J'augmente l'enchère d'une once !, s'il n'y a personne de plus, je le brûle !
Et alors le marteau tombe dans le silence lourd
Un jeune prend le poncho et là près, le vieux gaucho
Tremble de froid un après-midi de janvier
Et il pense avec amertume, le temps ne donne plus de créoles !
Ainsi il perd dans la descente ce qu'il a gagné dans la montée
Une à une les brebis, vêtement par vêtement, le matériel
Il voudrait sauver de la vente son cheval bleu
Pour que la nuit le prenne sur un cheval étoilé
Il n'en a qu'un, et celui-là, l'enchérisseur le brûle
Là se termine la vente, le marchand a encaissé son dû
Ah oui ! En le voyant debout, si amer, si abattu
Tous les chemins écrasent les liens des sentiers
Et ce sont quatre lassoïstes qui attendent le vieux
Dès qu'il veut sortir, ils vont le faire tomber au sol
Alors ces jeunes s'approchent pour le défendre
Et le plus rusé lui dit entre tremblement et sourire
Nous avons tous acheté ses affaires, pour les lui sauver, grand-père
Voici vos éperons, voici votre bleu
Un autre lui apporte dans ses bras, comme un enfant, le matériel
Un autre lui réchauffe les mains avec ce poncho à franges
Et un autre qui n'a rien acheté, lui dépose un baiser sur le front
Parce qu'il continue à donner des créoles, de très beaux créoles, le temps !