Mire amigo
Alfredo Zitarrosa
Regarde mon ami
(Chanson littorale)
Regarde mon ami, ne viens pas
avec ces histoires de "questions".*
Je ne comprends pas trop
excuse-moi, je suis un peu "bagual".
Mais ça, je te le dis,
les "lésions" ne m'intéressent pas ;
ceux qui n'ont pas de fric
vivent en espadrilles :
tout reste pareil.
Regarde par exemple
Monsieur Segismundo
avec dix mille hectares :**
il a deux fils jeunes
qui sont "docteurs" en ville.
J'ai quatre gamins
et à la plus grande, j'ai dû la donner ;
aucun n'est allé à l'école
et pour qu'ils "fassent des dents"
je dois voler.
Regarde mon ami, ne viens pas
avec l'idée que les "gringos" sont des gens "donnés".
Je l'ai vu, Mister "truc"
buvant du whisky avec ceux du "club" ;
mais je ne l'ai jamais "vu"
buvant du "mate" avec les ouvriers.
Tu ne diras pas qu'ils "buvaient"
et qu'ils portaient un toast à ma "santé".
Regarde mon ami, excuse-moi,
ne te fâche pas, je ne bois rien.
Je ne sais pas si "vous" savez
que pour la moisson, il faut se lever tôt.
Ceux qui sont nés ouvriers
ne connaissent pas les "nuit blanches".
Je mange très mal
et si je bois un verre, ça me donne envie de me battre.
* Bien que je l'aie toujours écrit de cette manière, dans toutes les versions, on l'entend dire "custiones".
** Dans les versions précédentes, il dit "avec trois mille hectares".
(Le texte présenté est une transcription fidèle de ce qui a été publié dans l'insertion du disque Textes politiques, de 1980)