El Güije
Silvio Rodriguez
Le Güije
Du fond, je viens de la lagune froide
Où la fiancée de la nuit va
À se dissoudre, en argent
Sur mes eaux, d'obscurité
Je suis si petit que je me faufile agile
Et si fugace que celui qui me voit
Croit qu'en l'absence de soleil, la réalité est fragile
Qu'il y a des créatures qui ne peuvent exister
Je porte une peau d'argile, une crinière de limon
Des yeux de l'aube sans couleur
Je ne reflète jamais la lumière, je suis une ombre totale
J'entends qu'il y a un ciel bleu, que je peux à peine rêver
Une seule fois on m'a regardé sans peur et sans haine
Une seule fois un baiser de femme
Et j'ai senti mon cœur si vivant que je l'ai chanté
Prisonnier du doux goût qui ne veut pas revenir
Aujourd'hui je connais l'effroi, de ce qui est déjà parti
Du fond, je viens de la lagune froide
Où la fiancée de la nuit va
À se dissoudre, en argent
Sur mes eaux, d'obscurité
Je suis le sursaut des imprudents
Qui se perdent dans leur nuit blanche
Et même si je ne suis pas l'héraut de la mort
Je suis un güije de la solitude
Je suis un güije de la solitude
Je suis un güije de la solitude