Pa' Usted
José Larralde
À Vous
À vous, monsieur
À vous qui savez tant
À vous qui quand
Vous arrivez à une fête
De ces fêtes
Glorieuses de ma terre
Ou simplement
Une doma qu'on appelle
Et qui de doma, monsieur
N'a rien
Parce que celui qui sait
Appelle ça une jineteada
À vous, à vous
Et à beaucoup qui
Pour tester un créole
Veulent le faire
Au vol d'une pialada
Ou au vellaquear
D'un mancarrón matinal
Habitué à ce que
L'homme cloue des cornes
Je veux
Vous éclaircir le regard
Je vais juste vous dire
Des choses que je connais
De ce qu'on m'a raconté
Je ne dirai rien
Pour que vous voyiez que non
Je ne m'en vais pas du trou
Pour esquiver le cueverío
Et la vizcachada
Et je vais vous raconter
Des temps d'aura
Pas de ces temps
Que mon père a connus
Là-bas dans mon pays
Il y a celui qui sent la jument
Et il y a celui qui piale
Et celui qui mène
Et celui qui marque
Et celui qui dans un tu
Laisse son nom de famille
Et celui qui avec des cordes
Tisse un espoir
Des gens que le temps
Ne pourra pas effacer
Parce que ce sont des hommes
Piliers de ma patrie
Mais dans mon pays
Dans mon pays aussi
Il y a celui qui tisse
Et sans savoir
Peut-être monter un fardeau
Monte la pelle moite
La barre, fait des manœuvres
California et saigne
Celui-là, c'est aussi un créole, camarade
Il y a aussi l'homme
Qui en faisant des fils
Pousse
Un troupeau de bois
Novillada de piquillin caldenes
Avec un pingo qu'on appelle
Hacha!, celui-là
C'est aussi un créole, camarade
Et il y a d'autres qui supportent des vellaqueadas
Et dans le tuse d'une melga bien coupée
Laissent des marques avec des lettres de semence
Dans les nuits de froide tracteorada
Ceux-là, ceux-là aussi sont des créoles, camarade
Et il y a celui qui coupe l'herbe
Et celui qui traite, et celui qui tond
Et celui qui soigne, et celui qui baigne
Celui qui à la forge et à l'enclume
Nourrit le nerf
Celui qui aime
Celui qui apprend, celui qui enseigne
Par métier, par métier
Il y a des milliers à nommer
Et ils sont tous entrelacés
Avec le créolisme
Ne cherchez pas à faire des différences
Unifiez, c'est la loi du patriotisme
C'est pour ça
Que je veux que vous compreniez
Certaines choses
Parfois ça fait mal
Je ne piale pas
Mais j'ai planté la charrue
Et je suis créole tout autant
Que celui qui meurt
Et sachez, monsieur
Que je ne dis pas ce que je dis
Parce que je suis maître
Ou parce que j'ai trop de science
C'est la même chose d'être créole
Celui qui pointe la terre
Que celui qui fait
Un livre avec une conscience créole
Fierté pure d'être argentin
Fierté virile d'honneur et de décence
C'est pourquoi, monsieur
Pour savoir, il vous manque de savoir
Ce qu'est la prudence
Et pour apprendre, monsieur
Vous en avez trop si vous avez de la honte