Ho visto un re
Enzo Jannacci
J'ai vu un roi
Dai dai, compte sur... ah ben, ouais...
- J'ai vu un roi.
- Tu sais ce qu'il a vu ?
- Il a vu un roi !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- Un roi qui pleurait assis sur sa selle
pleurait tant de larmes, mais tant que
ça mouillait même le cheval !
- Pauvre roi !
- Et pauvre aussi le cheval !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- C'est l'empereur qui lui a pris
un beau château...
- Oh quel balèze !
- ...des trente-deux qu'il en a.
- Pauvre roi !
- Et pauvre aussi le cheval !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- J'ai vu un évêque...
- Tu sais ce qu'il a vu ?
- Il a vu un évêque !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- Lui aussi, il pleurait, faisait
un grand bruit, mordait même une main.
- La main de qui ?
- La main du sacristain !
- Pauvre évêque !
- Et pauvre aussi le sacristain !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- C'est le cardinal qui lui a pris
un monastère...
- Oh pauvre chrétien !
- ...des trente-deux qu'il en a.
- Pauvre évêque !
- Et pauvre aussi le sacristain !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- J'ai vu un riche...
- Tu sais ce qu'il a vu ?
- Il a vu un riche ! Un monsieur !
- S'... Ah, ben ; ouais, ouais.
- Le pauvre pleurait sur un verre de vin
et chaque goutte, et chaque goutte allait...
- Deren't au vin ?
- Ouais, ça l'annacquait tout !
- Pauvre type !
- Et pauvre aussi le vin !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- L'évêque, le roi, l'empereur
l'ont presque ruiné
l'ont dépouillé de
trois maisons et un bâtiment
de trente-deux qu'il en a.
- Pauvre type !
- Et pauvre aussi le vin !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- J'ai vu un paysan.
- Tu sais ce qu'il a vu ?
- Un fermier !
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- L'évêque, le roi, le riche, l'empereur,
même le cardinal, l'ont presque ruiné
l'ont pris :
la maison
le bâtiment
la vache
le violon
la boîte de kaki
la radio à transistors
les disques de Little Tony
la femme !
- Et puis, qu'est-ce que c'est ?
- Un fils militaire
l'ont même tué le cochon...
- Pauvre porc !
- Dans le sens du cochon...
- Ah, ben ; ouais, ouais.
- Mais lui non, lui ne pleurait pas, au contraire : il ricanait !
Ah ! Ah ! Ah !
- Mais tu sais, c'est, fou ?
- Non !
- Le fait est que nous paysans...
Nous paysans...
Et toujours joyeux il faut rester
car notre pleurer fait mal au roi
fait mal au riche et au cardinal
ils deviennent tristes si nous pleurons,
et toujours joyeux il faut rester
car notre pleurer fait mal au roi
fait mal au riche et au cardinal
ils deviennent tristes si nous pleurons !